Les experts en médias et en gouvernance suggèrent à la CEDEAO de travailler avec les OSC pour faire face à la récession démocratique

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Photo de groupe de quelques dignitaires lors du Forum régional sur les médias et la récession démocratique en Afrique de l'Ouest

Une conférence régionale de deux jours portant sur l’actuel recul de la démocratie en Afrique de l’Ouest s’est achevée sur un certain nombre de recommandations, ainsi que sur une proposition de collaboration entre la CEDEAO et la société civile en vue de définir une réponse stratégique à ce fléau qui mine la sous-région.

La conférence, qui s’est tenue à Accra, au Ghana, était axée sur l’impact du recul démocratique sur la liberté des médias et de la presse en Afrique de l’Ouest.  La conférence a accueilli des experts en gouvernance et en démocratie, ainsi que des professionnels des médias de toute la sous-région. Ces derniers ont conjointement proposé que la Commission de la CEDEAO collabore avec la Coalition de l’Afrique de l’Ouest pour la liberté des médias et la bonne gouvernance établie par la Fondation des Médias pour l’Afrique de l’Ouest (MFWA) afin de mener une intervention radicale en faveur de la restauration démocratique dans la région.

Ils ont également proposé que la CEDEAO collabore avec la Coalition régionale pour adopter et mettre en œuvre des protocoles bien définis pour la protection des journalistes, notamment dans les zones touchées par les coups d’État et autres insurrections.

La conférence qui avait pour thème : Les médias, la liberté de la presse et la récession démocratique en Afrique de l’Ouest s’est déroulée du 18 au 19 octobre 2022, avec des participants venus des 16 pays d’Afrique de l’Ouest. Des représentants clés de la CEDEAO étaient également présents pour participer à la conversation.

La récession démocratique en Afrique de l’Ouest

Il y a peu de temps encore, l’Afrique de l’Ouest était considérée comme le bastion de la démocratie en Afrique. Dès le début des années 90, la région a connu une démocratisation croissante après que le Bénin ait ouvert la voie avec des élections en 1991 et que le Ghana ait suivi en 1992. En effet, au début des années 2000, tous les pays de la sous-région étaient des démocraties.

Cependant, les années 2020 s’annoncent comme l’ère d’un sérieux recul des progrès réalisés en matière de démocratie, avec notamment la tendance des présidents démocratiquement élus à modifier les constitutions pour changer les limites des mandats afin de prolonger leur temps au pouvoir.  Le plus notable de tous ces revers a été la récente vague de coups d’État militaires qui ont abouti au renversement des présidents et chefs d’État du Mali, du Burkina Faso et de la Guinée.

Le rétrécissement des espaces civiques dans presque tous les pays de la région est un autre facteur notable du recul de la démocratie en Afrique de l’Ouest. En outre, les attaques, les arrestations arbitraires et la détention de journalistes et de militants sont devenues monnaie courante dans les pays de la sous-région.  Rien qu’au cours des deux dernières années, par exemple, les données issues du suivi de la région par la MFWA montrent qu’il y a eu près de 200 incidents de violations de la liberté des médias et de la liberté d’expression.

C’est dans ce contexte que la MFWA a organisé cette conférence régionale de deux jours qui a accueilli des experts et des acteurs clés de la région pour discuter de la récession démocratique actuelle, évaluer le problème et proposer des solutions.

Les conclusions majeures tirées de cette conférence régionale

Le principal diagnostic est que l’environnement de la presse est généralement affaibli en raison de l’augmentation des violations de la liberté d’expression et de la presse avec l’adoption de lois répressives, l’imposition de peines sévères pour des délits mineurs, y compris des peines d’emprisonnement et des amendes paralysantes pour les journalistes et les médias. La faiblesse de l’environnement médiatique dans la sous-région s’explique en partie par les difficultés économiques auxquelles sont confrontés les journalistes, par une culture généralisée de rémunération médiocre et par la tendance des hommes politiques à créer des maisons de presse compromettant ainsi le professionnalisme des journalistes.

Principales recommandations

Les participants ont estimé que, malgré toutes ses faiblesses, la démocratie reste la meilleure forme de gouvernance pour garantir les libertés civiques, un espace civique libre et la liberté de la presse dans la sous-région et que, par conséquent, le recul démocratique doit être endigué. Pour ce faire, ils se sont engagés à participer, collaborer et soutenir la CEDEAO afin d’intégrer les questions de liberté de la presse dans ses interventions de gouvernance démocratique et de contribuer de manière significative à la concrétisation d’une CEDEAO des peuples.

Les participants ont également convenu que les médias sont indispensables pour contrer la récession démocratique et que, par conséquent, la CEDEAO doit travailler en étroite collaboration avec les médias. Cette collaboration aura pour but de mettre en place une stratégie globale pour enrayer la récession. Ils ont proposé une réunion annuelle entre la CEDEAO et la Coalition de l’Afrique de l’Ouest pour la liberté des médias et la bonne gouvernance afin de délibérer sur les questions émergentes et de proposer des solutions.

Les participants ont appelé la CEDEAO à mettre en place un Fonds de développement des médias qui soutiendra les organisations de médias en difficulté pour renforcer leurs capacités à travailler dans la région.

Une autre recommandation est que la Coalition, par l’intermédiaire de la MFWA, sollicite formellement la présence d’un membre au sein de la Commission de la CEDEAO afin de faciliter les engagements au niveau régional. Cela servira de liaison officielle entre les médias d’Afrique de l’Ouest et de la CEDEAO.

La signature d’un mémorandum d’entente a été recommandée pour officialiser cet arrangement.