La MFWA est extrêmement préoccupée par la série de violations au Burkina Faso et demande instamment à la junte militaire de préserver la liberté d’expression

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La Fondation des Médias pour l’Afrique de l’Ouest (MFWA) a noté avec une grande inquiétude un certain nombre de violations de la liberté d’expression au Burkina Faso au cours des événements qui ont abouti au coup d’Etat militaire du 24 janvier 2022 dans cette nation troublée. La MFWA appelle les nouvelles autorités militaires à faire respecter toutes les libertés fondamentales, y compris le droit à l’information.

Les militaires ont pris le pouvoir au Burkina Faso après un week-end de mutinerie des soldats mécontents, soutenus par les masses qui ont organisé des manifestations contre l’échec perçu du gouvernement du président Marc Roch Kabore dans la gestion des attaques terroristes qui ont tué des milliers de personnes dans ce pays du Sahel.

Lisant un communiqué signé par le lieutenant-colonel Paul-Henri Sandaogo Damiba, président de la nouvelle junte (Mouvement patriotique pour la sauvegarde et la restauration – MPSR), le capitaine Kader Ouedraogo, un officier subalterne, a annoncé à la télévision nationale que la Constitution était suspendue, l’Assemblée nationale dissoute et les frontières du pays fermées. Un couvre-feu nocturne a également été imposé.

Le 22 janvier 2022, le premier jour des manifestations de deux jours, Ibrahim Compaoré, journaliste de La Chaîne au Coeur de l’Afrique (LCA) qui filmait les manifestations, a été touché au bras gauche par un projectile de gaz lacrymogène lancé par les forces de sécurité. Le journaliste a pu recevoir des soins après avoir souffert de fracture au bras à cause du choc de l’impact.

Le 23 janvier 2022, un jour avant le coup d’État, l’accès à l’Internet mobile a été coupé pendant 35 heures dans le cadre d’une opération musclée de maintien de l’ordre contre les manifestations antigouvernementales. Les autorités avaient interdit les manifestations et la police a fait respecter cette interdiction en utilisant des gaz lacrymogènes pour disperser les manifestants, arrêtant plus de 30 personnes.

Le même jour, le journaliste indépendant Henry Wilkins et Sam Mednick, journaliste de l’Associated press, ont été menacés et détenus par des soldats du camp militaire de Sangoule Lamizana à Ouagadougou. Les soldats ont braqué leurs armes à feu en direction des journalistes pour les effrayer. Ils ont ensuite saisi le matériel de travail des journalistes qui ont été détenus brièvement dans le camp militaire. Les journalistes se sont vu remettre leur matériel de travail après qu’ils ont été relâchés.

Netblocks, une organisation privée qui surveille les violations des droits numériques, les questions relatives à la cybersécurité et la gouvernance de l’internet dans le monde, a signalé l’interruption de l’internet sur Twitter.

 “Les incidents survenus depuis dimanche matin ont été masqués par l’imposition d’une coupure d’Internet à l’échelle nationale”, a-t-il ajouté.

Sawadogo Delwende, journaliste de L’Economiste du Faso, et Noufou Kindo, rédacteur en chef de Burkina24 ont exprimé leur indignation face à la suspension de l’internet mobile, la décrivant comme une action rétrograde et une violation du droit à l’information.

“Les événements du week-end dernier et le coup d’État de lundi ont été des incidents importants qui ont suscité l’inquiétude du public. Le besoin d’information et le travail des journalistes deviennent particulièrement critiques en de telles circonstances. C’est donc une violation flagrante de la liberté de la presse et des droits des citoyens à l’information que de perturber l’Internet à ces moments-là. La pression est trop forte”, a déclaré Noufou Kindo lors d’un entretien téléphonique avec la MFWA.

Sawadogo Delwende, exprimant ses attentes vis-à-vis de la junte au pouvoir, a déclaré que “ la première chose est que l’internet ne devrait plus jamais être coupé, ce devrait être une liberté absolue…. Et aussi que les journalistes soient protégés.”

Les médias ont rapporté, quant à eux, qu’une militante politique, Korotoumou Anaïs Drabo (Mouvement Sauvons le Burkina Faso), a été arrêtée par la police samedi matin alors qu’elle se rendait au Palais de Justice auquel le mouvement avait fait appel de l’interdiction des manifestations par la mairie de Ouagadougou. Elle a été libérée plus tard dans la journée, après avoir été brutalisée en détention au poste de police de Wemtenga, selon sa narration aux médias locaux.

Les manifestants ont également perpétré leur part d’anarchie violente. Le siège de campagne du Mouvement du Peuple pour le Progrès (MPP), situé dans le quartier de Nonsin à Ouagadougou, a été vandalisé et incendié le 23 janvier 2022. Les manifestants ont également mis le feu à des pneus dans certaines rues de la capitale et d’autres grandes villes et ont lancé des pierres en représailles aux brutalités policières.

Le coup d’État au Burkina Faso confirme la crainte croissante d’un recul démocratique en Afrique de l’Ouest, après des prises de pouvoir militaires similaires au Mali et en Guinée. La région, autrefois présentée comme le bastion de la démocratie en Afrique, a été secouée par des bouleversements politiques, notamment dans les pays du Sahel et dans le nord du Nigeria. L’autocratie constitutionnelle est en hausse avec la violation des deux termes de mandats présidentiels traditionnels en Guinée, en Côte d’Ivoire et au Togo.

La MFWA condamne fermement les violations brutales des droits des citoyens à manifester, et à accéder à l’information au Burkina Faso. Nous saluons la libération de certaines des personnes arrêtées pendant les troubles et appelons les autorités militaires à enquêter sur les attaques violentes contre les manifestants ainsi que sur les excès des émeutiers afin de réparer tous les torts.

La MFWA exhorte également la CEDEAO, l’Union africaine et les Nations unies à collaborer avec le régime militaire et la société civile du Burkina Faso pour rétablir l’ordre constitutionnel dans les meilleurs délais.