La Fondation des médias pour l’Afrique de l’Ouest (MFWA) condamne avec la plus grande fermeté le passage à tabac de Mohamed Camara, journaliste de « Libérateurinfo ». Nous appelons les autorités du parti Rassemblement du peuple de Guinée (RPG) à enquêter sur les incidents et à veiller à ce que cette énième exaction contre des journalistes soit la dernière à avoir lieu au siège de leur formation.
« J’ai été battu et jeté dehors », « mon seul tort, c’est d’avoir posé cette question » a rapporté Mohamed Camara, reporter du site d’information « Libérateurinfo » après qu’il a été interpellé, roué de coups de poings et jeté dehors comme un malpropre par des militants du RPG arc ciel, ex-parti au pouvoir, dont le leader Alpha Condé a été renversé par un coup d’état le 5 septembre 2021.
Le 3 novembre 2021 au siège de son parti dans une banlieue de Conakry, le RPG arc en ciel avait convié les journalistes à une conférence de presse dont l’objectif était de « demander la libération sans condition d’Alpha Condé détenu par la junte à un lieu tenu secret ». Au cours de cette conférence de presse, Mohamed Camara a posé la question de savoir si le parti allait présenter Monsieur Zakaria Coulibaly, l’ancien ministre des pétroles comme candidat du parti à la future présidentielle après la transition.
Il s’agissait là de l’étincelle qui mettra le feu aux poudres de la crise profonde interne de succession que traverse le RPG depuis le coup d’état du 5 septembre. Aussitôt, des militants surexcités se sont jetés sur le journaliste. Ils l’ont couvert d’injures, l’ont roué de coups de poings et l’ont jeté hors de la salle de conférence.
Le siège de cette formation politique devient tristement célèbre pour l’hostilité contre les journalistes qui s’y rendent pour couvrir les événements. On peut citer entre autres Ibrahima Sory Diallo de Guinéematin.com, Thierno Amadou M’Bon et Camara de Guinee114, Mohamed Aly Kondé d’Espace TV à l’époque et son cadreur, Abdoul Malick Diallo.
Cependant, la victime de la dernière l’agression a retiré sa plainte conte deux leaders du RPG ; Amadou Damaro Camara, ancien président de l’Assemblée nationale et Damantang Albert Camara ancien ministre de la Sécurité. Le 8 novembre, le journaliste a porté plainte contre les deux pour agression et menace. La volte-face fait suite à une conciliation du Dr. Koureissy Condé, président du parti politique ARENA qui a présenté les excuses des leaders du RPG a la victime en présence de son avocat.
Cette récente agression contre Mohamed Camara est la deuxième violation des droits à la liberté de la presse à se produire sous le nouveau régime militaire.
Le 9 octobre, à 22h, des militaires ont pris d’assaut les locaux de l’organe de presse Djoma FM. Deux hommes armés décrits comme étant des éléments des Forces Spéciales (FS) de la junte au pouvoir ont fait irruption dans les locaux du groupe Djoma FM (Radio/Télévision) à la recherche, selon les assaillants, des véhicules de l’Etat soupçonnées d’y avoir été cachées. Les vigiles trouvés sur place leur ont dit qu’ils doivent présenter un ordre de mission.
Un détachement de la police anti gang, la Compagnie Mobile d’Intervention et de Sécurité (CMIS) informé de cette visite de militaire à Djoma FM ont débarqué. Il y a eu des échanges de tirs nourris entre eux et les deux militaires. Certains de leurs collègues qui étaient venus en renfort ont été blessés par les agents de la CMIS.
La descente musclée dans les locaux de Djoma Media a été critiquée par l’opinion nationale. Djoma Media est un groupe de presse appartenant à Kabinet Sylla alias « Bill Gâte », un proche du Président déchu Alpha Condé
Dans la journée de 10 octobre, une délégation conduite par le Secrétaire Général du Syndicat des professionnels de la presse de Guinée (SPPG) s’est rendue sur les lieux pour constater les faits et exprimer tout le soutien du syndicat aux travailleurs et à la direction du groupe Djoma médias.
Cette attaque a négativement affecté le moral de Djoma FM. Les Forces Spéciales ont tenu à se rendre sur les lieux et rassurer Djoma FM que l’incident qui s’était produit n’était pas prémédité. Une délégation menée par le colonel Balla Samoura, membre du Comité national de rassemblement pour le développement (CNRD), a donné cette assurance à la direction de l’organe des médias le 11 octobre.
La MFWA témoigne toute sa solidarité à Mohammed Camara, à Djoma FM et aux médias en Guinée dans leur lutte pour leur liberté et leur sécurité qui sont garanties par la constitution. Nous sommes encouragés par la réaction positive du junte suite à l’attaque contre Djoma FM, et exhortons les autorités militaires à sanctionner les auteurs de cet acte rétrograde.
Nous condamnons également l’attaque contre le journaliste Mohamed Camara au siège du RPG et appelons les autorités de ce parti politique à rappeler à l’ordre leurs partisans qui se montrent de plus en plus violents envers les journalistes.