Cote d’Ivoire : Un Climat Pré-électoral Tendu, des Médias Polarisés

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A moins de trois jours, les ivoiriens se rendront aux urnes. Cependant, le pays a enregistré plusieurs morts avec l’annonce du président Alassane Ouattara de briguer un troisième mandat suite au décès, le 8 Juillet 2020 de son candidat désigné, Amadou Coulibaly Gon.

Des manifestations anti-troisième mandat ont éclaté dans le pays et ont été marquées par de nombreuses violences intercommunautaires. Ces violences  ont causé la mort de 67personnes à la date du 24 octobre. Plusieurs personnes ont été aussi blessées et 211 ont interpellées selon les sources officielles. De nombreux biens privés et publics ont été également détruits au cours de ces tensions intercommunautaires.

Nonobstant le contexte tendu, les élections semblent avoir lieu le 31 octobre. Et en ce qui concerne les médias, il est attendu d’eux de jouer leurs rôles d’informations du public pour des prises de décisions informées. Cependant, à l’instar des violences intercommunautaires. Le paysage médiatique en Côte d’Ivoire est considéré comme étant traditionnellement polarisé sur les tendances politiques.

Incertitude autour de l’Election du 31 Octobre

La situation sociopolitique que connait la Cote d’Ivoire, n’est cependant pas seulement liée au troisième mandat d’Alassane Ouattara. L’opposition politique qui regroupe le Parti Démocratique de la Cote d’Ivoire (PDCI), le Front Populaire Ivoirien (FPI) et Ensemble pour la Démocratie et la Souveraineté (EDS) boudent également les processus électoraux et la mise en place du cadre électorale.

Avec le lancement de campagne le 15 Octobre, sur fond des contestations de la candidature d’Alassane Ouattara, et des affrontement violentes intercommunautaires. Nombreux sont ceux qui redoutent de la tenue de l’élection pacifique dans le pays, et de l’instabilité post-électorale.

Depuis son exil, en France, l’ancien chef de rebelle, Guillaume Soro, ancien président de l’Assemblée Nationale avait aussi déclaré en Septembre dernier ”qu’il n’y aura pas d’élection le 31 octobre en Côte d’Ivoire”.

Sur les trois candidats de l’opposition en lice, et face au président sortant Alassane Ouattara, deux d’entre eux, Henri Konan Bédé du PDCI-RDA et Pascal Affi N’Guessan du FPI sont entrés dans ‘’la désobéissance civile’’.

Ces derniers entendent ainsi protester contre la candidature d’Alassane Ouattara qui a déjà brigué deux mandats consécutifs et avait déclaré ne pas se représenter.

Malgré l’entame des dialogues de la CEDEAO avec la classe politique ivoirienne, l’incertitude autour des élections semble planer. Malgré l’appel du gouvernement à l’opposition pour « lever sans délai le mot d’ordre de désobéissance civile ». Tout semble indiqué que le pays s’achemine inexorablement vers une élection aux lendemain incertains. Un épilogue électoral dans laquelle si le Président actuel sort gagnant, souffrirait d’une illégitimité. La population ivoirienne, déjà divisée et qui n’a pas fini de reconstruire son tissu social au sorti de la guerre civile qui a marqué le pays en 2010, l’en serait davantage.

”Un court report de l’élection offrirait une chance de sortir de la confrontation actuelle à travers un dialogue et d’apurer le contentieux qui rend improbable l’organisation d’une élection apaisée et transparente le 31 octobre”, avait déclaré International Crisis Group.

Tandis que l’opposition demeure inamovible vis-à-vis de l’appel du gouvernement à prendre part aux processus électoral. Elle considère illégale et anticonstitutionnelle la candidature au troisième mandat d’Alassane Ouattara et demande son retrait. Cependant, elle privilégié la voie du dialogue par l’intermédiaire de la CEDEAO pour une sortie de crise en Côte d’Ivoire

”Les candidats Henri Konan Bédié et Affi N’Guessan demandent à la Cédéao de continuer son rôle de médiation et de facilitation dans le conflit ivoirien”, avait martelé Maurice Kakou Guikahué, secrétaire exécutif du PDCI, dans une déclaration.

Violences Intercommunautaires et Campagnes Electorales

La campagne qui a démarré le 15 octobre, s’est essoufflée du côté du parti au pouvoir avec le décès, le 23 octobre, de Sidiki Diakité Ministre de la décentralisation. Mais auparavant, plusieurs manifestations et foyers d’affrontements intercommunautaires ont éclaté dans le pays.

Le 19 octobre 2020, à Bonoua, ville située à 60 km à l’est d’Abidjan, considérée comme le fief de Simone Gbagbo, l’épouse de l’ancien président Laurent Gbagbo, une personne a été tuée par les forces de l’ordre, selon les autorités locales de ladite ville. “Il y a eu un mort, un jeune homme qui se prénomme Morel et une dizaine de blessés graves” a affirmé à la presse internationale, Jean Paul Améthier, maire de Bonoua.

Le même jour à Abidjan, il y a eu des affrontements entre des étudiants du FESCI, considéré comme proche de l’opposition politique qui protestaient contre des frais scolaires et universitaires et des ‘’assaillants’’.

Deux jours avant, le 17 octobre, des affrontements intercommunautaires ont éclaté à dans la ville Bongouanou, chef-lieu de la région de Moronou, à environ 200km au nord d’Abidjan.

Dans cette ville considérée comme le fief du candidat du FPI, Pascal Affi N’Guessan, et ancien Premier ministre de Laurent Gbagbo, des personnes auraient été tuées dans les affrontements liés à ‘’la désobéissance civile’’.

Ces récents affrontements rallongent la liste d’autres violences enregistrées au mois d’août, au cours desquels au moins une dizaine de morts et plusieurs blessés.

Difficulté d’accès et traitement inéquitables de l’information

La presse privée en Côte d’Ivoire est généralement adossée à des hommes politiques.  Quant à la presse d’État, elle est la chasse-gardée du pouvoir, et son instrument de propagande. Pour ces élections, les autorités de régulation des médias, avaient promis un accès aux équitables et une utilisation professionnelle des médias publics. « L’’égal accès aux organes officiels de presse et de production d’informations numériques, aux médias de service public de communication audiovisuelle, ainsi que le suivi de la régularité des produits de communication seront garantis par la Haute autorité de la communication audiovisuelle (HACA) et l’Autorité nationale de la presse (ANP) », avait annoncé Sidi Tiémoko Touré, porte-parole du gouvernement a l’issue du Conseil des ministres du 19 août 2020.

Cependant, nombreux sont les citoyens qui pensent que l’accès aux médias publics est difficile aux organisations politiques de l’opposition.

L’opposant Mamadou Koulibaly, ancien président de l’Assemblée Nationale de Côte d’Ivoire, président de Lider (Liberté et démocratie pour la République) est de ceux-là. « Il faut que l’on fasse tout pour qu’il y ait l’état de droit, les libertés politiques, la liberté d’expression et l’accès aux médias d’Etat, qui ne doivent pas être uniquement l’instrument de propagande des gouvernements », conseille-t-il.

Régulation des Médias en Période Electorale

L’Autorité nationale de la presse (ANP) et la Haute autorité de la communication audiovisuelle (HACA) multiplient leurs efforts pour un accès et traitement équitables des informations pour la présidentielle du 31 octobre.

Pour ce faire, le collège des membres de la Haute autorité de la communication audiovisuelle (HACA) s’est réuni en session extraordinaire du mardi 15 septembre 2020. Il a pris cinq décisions en vue de permettre aux médias audiovisuels de service public ainsi qu’à ceux du secteur privé d’assurer la couverture de cette élection. Surtout, à l’effet d’adopter le cadre réglementaire devant régir la couverture médiatique de l’élection du Président de la République du 31 octobre 2020. « À compter de l’ouverture officielle de la campagne électorale fixée au 15 octobre 2020 à zéro heure, les médias audiovisuels de service public doivent veiller, dans la programmation des journaux, reportages, débats et émissions spéciales dédiées à la campagne, au strict respect du principe de l’égalité d’accès et de traitement à leurs antennes, des candidats, des partis, groupements politiques et organisations qui les soutiennent ».

Cependant, dans ses décisions portant sur la régulation des médias en période électorale, le HACA indique également que les radios privées non-commerciale « demeurent cependant interdites de produire, de programmer et de diffuser des émissions à caractère politique. Elles ne peuvent donc couvrir, ni rendre compte des activités relatives à la campagne électorale ».

L’ANP, a la date du 17 septembre a également adopté la disposition N°002/ANP, portant règlementation de l’information dans la presse pendant la période de précampagne pour l’élection du Président de la République d’octobre 2020 

A la date du 9 octobre 2020, l’Autorité nationale de la presse (ANP) qui a adopté la décision N°004/ANP/SG, portant réglementation de l’égal accès des candidats à l’élection du président de la République a sommé les organes officiels de la presse que sont Fraternité Matin, et les sites d’information fratmat.info et l’agence ivoirienne de presse aip.ci à l’effet d’adopter le cadre réglementaire devant régir la couverture médiatique de l’élection du Président de la République du 31 octobre 2020.

Tous les candidats doivent être traités sur un pied d’égalité dans un milieu médiatique où il y a une floraison de sites internet.

Le mauvais traitement de l’information par la presse est également influencé par les hommes politiques promoteurs de ces médias, dénonçait Zio Moussa, le président du comité de direction de l’Observatoire de la liberté de la presse, de l’éthique et de la déontologie (OLPED) lors de la présentation des résultats de deux monitorings mardi 18 août, aux journalistes, à Abidjan.

Comme fautes lourdes, il a cité, entre autres, les injures, les irrévérences, les incitations à la révolte, à la violence, et parfois même au meurtre. Ainsi que l’apologie de la guerre, dans dix journaux consultés en l’espace d’un mois.

Les paroles déplacées, la haine, le mépris et les mauvaises langues se délient aussi. La presse et les médias les colportent et en font leur chou gras. Le scrutin de la présidentielle du 31 octobre en Côte d’Ivoire s’annonce ainsi dans un climat sombre, émaillé de violence physique et verbale.

Dans le but de renverser la tendance et de préserver la paix la paix en Côte d’Ivoire, la MFWA formule les recommandations suivantes aux parties prenantes :

Aux Médias :

  • Maintenir un message de paix avant, pendant, et après les élections ;
  • Sensibiliser la population et les exhorter à rejeter les actes de violences ;
  • Exhorter les acteurs politiques à prêcher la paix et à rejeter les expressions incendiaires lors des émissions interactives.

Aux Partis Politiques :

  • Prioriser un dialogue inclusif ;
  • Répondre favorablement et prendre part activement aux missions de médiation de la CEDEAO ;
  • Exhorter leurs militants à rejeter les actes de violences intercommunautaires.

Aux acteurs de la Société Civile :

  • Exhorter les partis politiques au dialogue et à la paix ;
  • Être impartiale dans le processus de dialogue national.

Jouer le rôle de médiation entre l’opposition et le gouvernement en en renforçant les plateformes nationales de dialogue, la